Lostfish est loin d’être un « poisson perdu ». C’est plutôt nous, lecteurs, qu’elle attrape pour mieux nous perdre dans son univers. Car le petit monde fantasque de cette jeune illustratrice autodidacte née en 1983 dans le sud de la France a tout pour plaire mais aussi pour dérouter. Voire même déranger.
D’ailleurs, que de mieux pour cela que de reprendre un classique de la littérature jeunesse, De l’autre côté du miroir (la suite d’Alice au pays des merveilles parue en 1871) et de le transfigurer, de l’éloigner discrètement mais radicalement des représentations naïves et quelque peu désuètes que l’on en a.
Si tout un chacun connaît l’histoire d’Alice au Pays des Merveilles, qu’en est-il de celle de L’Autre côté du miroir ?
Six mois après le Pays des Merveilles, juste après avoir tenté d’enseigner les échecs à sa petite chatte noire, Kitty, Alice décide de franchir le pas et de « passer de l’autre côté du miroir » qui se trouve au-dessus de la cheminée. Elle arrive alors dans un pays très étrange, conçu à la manière d’un grand échiquier, et rencontre animaux et personnages extraordinaires.
Entre le jardin des fleurs vivantes, une reine qui distribue des biscuits secs pour calmer la soif tandis qu’une autre promet de la « confiture demain, de la confiture hier, mais jamais la confiture aujourd’hui », les étranges Bonnet Blanc et Blanc Bonnet et Le Gros Coco, alias Humpty Dumpty, énorme tête en forme d’œuf, Alice doit constamment se parler à elle-même et s’insuffler le courage de continuer. Car ce second épisode merveilleux se révèle finalement plus sombre que le premier et c’est sur cela que ne cesse de jouer Lostfish.
La féérie n’est qu’une apparence… Le lecteur navigue ainsi entre couleurs pastels, traits tout en douceur, joues roses, moues enfantines et femmes poupées, yeux rougis, poses lascives, corps ensanglantés. L’innocence du conte s’évapore peu à peu sans jamais pour autant totalement disparaître. D’ailleurs, le fait de ne se retrouver pleinement ni dans l’un ni dans l’autre est à la fois dérangeant et envoûtant. Très Tim Burtonesque, en fait !
Dans une interview accordée en avril 2009 au Réseau IRCube, Lostfish explique appartenir à la mouvance “lowbrow”. : « Ce style est une sorte de pot-pourri qui regroupe tout ce que j’aime, univers décalés, érotisme soft, enfance étrange et torturée, pour ma part j’essaye de faire ressortir des sentiments que chacun peut interpréter à sa façon. Mes illustrations restent assez simples, car je me concentre surtout sur les personnages, des personnages statiques, presque rigides, toujours en retenue. La femme enfant / femme objet, qui essaye de cacher naïvement son mal-être, c’est peut être ça qui définit mon style ! ».
Car, finalement, on est toutes des Alice pin-up en devenir ! (dixit la fille de 25 ans passés qui écrit cet article avec son collier N2 Alice aux Pays des Merveilles autour du cou ! ;-)
A paraître le 26 janvier 2011 chez les Editions Soleil et actuellement en vente sur Amazon.